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Aborder Terry Pratchett : l'hilarante étrangeté

Dernière mise à jour : 26 oct. 2022


Tous les lecteurs du Disque-Monde vous le diront, découvrir sir Terry Pratchett et son œuvre, c'est un peu découvrir une nouvelle branche de la famille avec qui les fêtes de fin d'année ne risquent pas d'être ennu­yeuses.

Chaque nouveau roman ressemble à des retrouvailles joyeuses, et à la dernière page, malgré le bazar dans la maison et la fatigue accumulée, les adieux sont difficiles ; on a la larme à l'œil et on soupire en attendant la pro­chaine rencontre.


Mais qu'il est difficile de conseiller Pratchett ! Malgré l'envie de partager, l'envie de faire vivre ces plaisirs de lecture à nos proches, il faut souvent y aller avec précaution. Non, ce n'est pas une lecture facile, et malgré la légèreté et les franches barres de rire, il est de bon ton de glisser quelques avertissements. Non pas que les gens soient des imbéciles qui ne saisissent rien à l'art subtil de la littérature anglaise de Fantasy satirique, au contraire.

Justement, il faut bien admettre que l'écriture de Pratchett, bien qu' excellente et précise, peut rebuter : références multiples, situations loufoques, jeux de mots subtils, notes de bas de pages désaxées et digressions hilarantes, tout cela dans une langue riche. Lire Pratchett n'est pas de tout repos, c'est à la fois fatigant et stimulant. Pour autant, quelle déception quand il n'est pas apprécié à sa juste valeur ! Alors pour le conseiller, allu­mons les warnings :

Oui, Pratchett c'est pas le truc le plus simple à lire, mais ça vaut la peine d'essayer. Parce que c'est indéniablement un génie, parce qu'on en sort changé, parce qu'une fois que vous aurez posé un pied à Ankh-Morpork, chaque personnage fera partie de votre vie.

Parce que l'aventure est absolument unique, intime.


Alors une fois la mise en garde passée, voyons quel délicieux volume de bonheur glisser dans les mains curieuses et délicates.

> Les Annales du Disque-Monde, dans le bon ordre s'il vous plait.

C'est de cette façon que j'ai commencé mon immersion littéraire (une amie m'avait fait découvrir le Père Porcher sur écran des années auparavant). Je les lis dans l'ordre, et au compte-gouttes, pour retarder au maximum le jour où il n'y aura plus de suivant. Cela me convenait, d'autant que la Huitième Couleur (The Colour of Magic) et le Huitième Sortilège (The Light Fantastic) font à plusieurs reprises des références au Seigneur des Anneaux, bible personnelle... un véritable argument pour aller plus loin. Mais encore une fois, voici l'avertissement que je donnerais pour motiver les troupes et limiter les abandons :

Les deux premiers tomes nous font visiter pour la première fois les rues malo­dorantes d'Ankh-Morpork. Cette introduction est pleine d'images impérissables, et les deux personnages que l'on va suivre, imparfaits et attachiants, sont les guides parfaits. Pourtant, il s'agit aussi des tomes les plus jeunes , et Pratchett n'avait pas encore tiré la bride de son joyeux bordel. Ce ne sont pas les tomes les mieux écrits, les digressions sont parfois déroutantes et les loufoqueries auront moins de prise sur certains. Mais le génie est là, débordant. Aujourd'hui, je trouve un plaisir croissant à chaque tome (l'apothéo­se étant atteinte au 28ème en ce qui me concerne), mais ce sont bien Rincevent et Deuxfleurs qui ont ouvert les premiers la porte d'Ankh-Morpork. Alors on y va les yeux fermés, ce sera de mieux en mieux.


> Les annales du Disque-monde, au feeling et en séries

Autre direction possible parmi les œuvres du Disque-Monde, s'accrocher aux cycles qui voient évoluer certains personnages. Vous avez le choix : suivre des sorcières que vous n'oublierez jamais (La Huitième Fille - Equal Rites), un mage râté survivant à des aventures rappelant les archétypes des romans de Fantasy (la Huitième Couleur - The Colour of Magic), une équipe de policiers désabusés soumis à la politique d'une jungle organisée (Au guet ! - Guards ! Guards !)... Peut-être que les aventures de la Mort, et les questions existentielles qu'il se pose (oui, il) vous plairont davan­tage : en ce cas, le volume Mortimer (Mort) correspondra parfaitement.


Alors, voilà, il y en a pour tous les goûts mais évitons quoi qu'il en soit de piocher trop loin dans la série : Même les volumes indépendants font partie de ce tout multiversel ! Ce serait au risque de passer à côté de plein d'éléments, peut-être secondaires mais jamais superflus.

> Tomes 1, 3, 4, 8 conseillés !

> Un hors-série qui parle à tout le monde

Déjà évoqué dans son marque-page, le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants (The amazing Maurice and his educated rodents) saura faire apprécier le style de Pratchett tout en ne demandant pas de connais­sance de l'arrière-plan discal. La référence au joueur de flûte de Hamelin n'échappera à personne, et l'humour est à la hauteur de ce que l'auteur a l'habitude d'offrir.

Si la résonance magique (mais pas que), médiévale (mais pas que) et culturelle (toujours) vous plaît, le reste du Disque-Monde sera une parfaite terre de lecture.



> On peut aussi tourner le dos à la Grande A'Tuin, non ?

Ce serait bien réducteur d'imaginer que Pratchett ne se découvre qu'avec le Disque-Monde. Plusieurs œuvres permettront une approche très différente, mais celle que l'on pourrait conseiller les yeux fermés est sans conteste De Bons Présages (Good Omens).


Signé Pratchett et Gaiman, le résultat final porte clairement la patte du premier. On retrouve l'humour dans un contexte totalement déjanté d'apocalypse et d'antéchrist, de démon en voiture et de chevaliers en moto. Un bijou inclassable! Avantage indéniable de cette lecture : vous pourrez savourer l'adaptation en série pour retrouver le duo formidable du roman, si parfaitement interprété par David Tennant et Michael Sheen. Trichez pas, on a dit on lit d'abord.



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Alors voilà où on en est : plusieurs chemins possibles, aucune impasse. Pratchett a été pour moi une rencontre littéraire unique. L'homme et l'œuvre font partie de ma vie, et les connaître sont essentiels pour me comprendre (dixit Michel Berger). Pour les francophones, le travail de Patrick Couton est absolument impeccable, n'ayez pas peur de la version française.


Dernier conseil à ceux qui souhaiteraient connaître l'homme, Lapsus clavis, chez Atalante, réunit de nombreux essais et discours de l'auteur. De ses inspirations à son combat contre Alzheimer, en passant par ses colères et ses anecdotes, le livre saura vous dévoiler une personnalité attachante, partie trop tôt.

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