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The Rings of Power - Une saison pour les dépenser tous


Tous les acheteurs compulsifs traînant sans relâche sur Amazon et tous les mangeurs de Kit Kat sont au courant.

Même les utilisateurs de Photoshop (qui ne sont pas les derniers des geeks) ont pu la contempler à loisir, la nouvelle égérie de la Terre du Milieu façon Jeff Bezos, j'ai nommé Galadriel l'entêtée.


Je ne pouvais pas ne pas en parler. Je ne pouvais pas ne pas regarder.

Quand on grandit avec Tolkien, et à certains moments grâce à lui, on a la curieuse tendance à se sentir concerné par tout ce qui touche de près ou de loin son œuvre. C'est comme ça, on n'y peut rien : le Maître des Anneaux laisse derrière lui une foule de gardiens, certes pacifiques mais à tendance extrémiste, justiciers refoulés dans un monde qui ne sait pas apprécier, recevoir, compren­dre le Grand Œuvre ! En bref, le tolkieniste veille, son œil est sans paupière comme celui de Sauron, et toute adaptation passera par l'obstacle de son appréciation (ce qui fera à ladite adaptation ni chaud ni froid, on est d'accord).


Je savais que j'écrirai à un moment sur la première saison des Anneaux de Pou­voir. Il était hors de question de le faire autrement qu'en specta­trice tolérante, sans attente, prête à être surprise ou déçue. Quand on a vu The Watch, cette grandiose série ayant travesti le Disque-Monde en music-hall sous absinthe, on n'a plus d' attente, seulement de la curiosité.


Donc, re-la-ti-vi-sons, tel est le mot d'ordre !

Que ne donnerions-nous pas pour apercevoir les digues de Númenor ou les tours d'Eregion ? Et si le prix à payer est une FanFiction (coûteuse, en parlant de prix, d'ailleurs) qui nous invente des love stories à la pelle (et à l'arc, n'est-ce pas Arondir), eh bah allons-y, on s'en fout, brutalisons nos sensibilités et notons "non canonique" sur Wikipédia, ça évitera à ces satanés puristes de grincer des dents.

Bref, une fois bien calée dans mon canapé et dans cet état d'esprit, ça ne pouvait que bien se passer. ...

Non ?...


C'est facile de critiquer, quand on a lu le Silmarillion...

Autant en finir tout de suite, car la question du respect de l'œuvre originale prend sa place dans la critique . Habiles furent les détours pour pallier aux droits non obtenus par Amazon, à commencer par la création de protagonistes permettant des aven­tures inédites, de quoi apaiser les tâtillons. Mais dès le premier épisode, la chronologie bancale se fait ressen­tir pour les habitués de la Terre du Milieu : où sommes-nous, dans ce Second Age si dense ? Où en est exactement la malédiction pe­sant sur les enfants de Fëanor, dont fait partie Galadriel, et pourquoi cette dernière ne semble-t-elle pas très préoccupée par l'existence de son époux Celeborn ?


Allez, soit, quand on veut adapter, il faut trier. Mais quand même, certains fantasmes ont la peau dure, et les concepteurs râclent les fonds du tiroir laissé dispo­nible par le Tolkien Estate. On n'a pas de silmaril, prenons du mithril (et paf, ça fera p'tet des Chocapics). Comme Galadriel et Elrond sont utilisables à souhait, ils seront ambassadeurs sur l'ensemble des terrains, omniprésents jusqu'à l'usure.

D'autres personnages embléma­tiques apparaissent, sans plus rien de commun avec l'original littéraire : Celebrimbor, elfe forgeron aux petits airs de hobbit maîtrisant parfaitement l'art du brushing, perd toute personnalité, à l'opposé de l' artisan méfiant de Tolkien. Son talent semble même li­mité dans son propre art, mais n'en disons pas plus pour li­miter les spoilers...

Nous ne nous étalerons pas sur le Haut-Roi Gil-Galad, anti­pathique au possible, que les réalisateurs pourront garder sous le coude si Sauron devenait trop cheap à leurs yeux (ce qui est bien avec les Anneaux de Pouvoir, c'est qu'on peut s'attendre à tout).

Pour terminer avec les doléances des lecteurs irascibles, on pourrait revenir sur les causes et effets du déclin des Elfes, rendus un poil manichéens... mais pourquoi chercher la grosse bête ! Notons juste le choix de cette étrange chronologie de la construction des Anneaux de pouvoir, en désaccord total avec l'histoire originale... Le titre de la série a à voir avec ce sujet, non ? Alors pourquoi utiliser la matière disponible quand on peut la transformer et en perdre le sens ? Nous appellerons ça le talent pour "s'approprier une œuvre". Oui, c'est sûrement ça.

Donc on est tous d'accord, on arrête de chouiner et on apprécie le résultat.

C'est facile de critiquer quand on a vu la trilogie de Jackson !

Libérés de notre esprit trop critique, apprécions maintenant l'hommage discret rendu aux films que l'on a tant aimés il y a vingt ans.. Difficile de ne pas voir les clins d'œil à répétition, ça en devient même une longue grimace. Prenez un grand barbu qui devient pote avec un petit aux pieds poilus, cela vous rappelera de bons souvenirs avec Gandalf et des hobbits. Si Aragorn vous manque, vous trouverez bien une version Amazon répondant à vos critères, pas toujours bien rasée mais au destin royal tortu­ré. Vous vous rappelez, nostalgi­que, de l'émotion ressentie au cinéma devant le terrible balrog de Morgoth ? Allez, un peu de fan service ne nuit pas, on vous trouvera ça également.


Et s'il faut encore vous convaincre que quand on a les sous on n'a pas toujours les idées, il suffira d'écouter les dialogues pour repêcher à la louche les formulations à la Jackson (nous ne ferons pas la liste ici, c'est un jeu que chacun peut faire chez lui, juste besoin d'un carnet, d'un crayon et d'un abonnement).


L'hommage paraît logique, Jackson ayant largement contribué à la popularité actuelle de

Tolkien, ses deux trilogies ont, en partie, formé l'éventuel public de la série. A chacun d'apprécier s'il s'agit pour lui d'une révérence respectueuse et polie, ou d'un pompage lourd et commercial.

C'est facile de critiquer quand on veut juste un bon scénar !

Après tout, ne sommes-nous pas là pour le plaisir ? A quoi bon se triturer l'esprit avec des chro­nologies ou des références quand on risque d'y perdre l'apprécia­tion d'un scénario en béton ?

Bon.

Nous savons que le matériau de base est dense, et bien trop riche pour générer sans effort une adaptation abor­dable pour un large public. Les Anneaux de Pouvoir font donc table rase pour se transformer en un jeu de "cache-cache Sauron", tributaire malheureux des droits limités au Seigneur des Anneaux et ses Appendices. Tout se jouera donc sur la réalisation et le rythme des épisodes.


Et là, éclaté par les écritures et réalisations trop partagées, naît un ensemble peu cohérent. Le rythme jouera beaucoup sur l' impression générale : sept épisodes mous et lents pour un huitième en accéléré, un déséquilibre total qui accentuera la sensation d'écriture bâclée. Adapter Tolkien ne signifie pas faire du mou et du creux : on ne contemple pas le vide. Tenter de courir après le temps perdu lors du dernier épisode ne suffira pas pour échapper au verdict final : une succession d'in­cohérences dans des paysages où l'on aurait pourtant aimé s'attarder davantage.

Mais les (jolies) cartes se succè­dent trop vite, les personnages laissent froid, les absurdités se voient trop. Déplacements miraculeux (la Terre du Milieu devient un mouchoir de poche, écho du Westeros traversé allègrement par Daenerys lors de l'ultime saison de Game of Thrones), elfes ignifuges et nageurs d'exception, volcans qui rendraient jaloux les habitants de Pompéi, ou encore châles magiques pour guérisseuses perforées, rien ne résiste à la magie des scénaristes !


Si ça manque encore de piquant, on appréciera l'ajout de personnages mystiques à souhait, inutiles et sans charisme, personnifiant (encore !) le mal à l'œuvre en Terre du Milieu. L'apport scénaristique sera à démontrer, tout comme la subtilité parfois édifiante de certains choix de réalisation (spéciale dédicace à l'effet Wordart - salut la génération Y- utilisé pour dévoiler au spectateur innocent et inattentif le changement de nom d'un territoire du Sud).


Regard dark, prise 12, action !

Le gâchis engendré par le chaos scénaristique est palpable, les premiers Anneaux de Pouvoir arrivent dans l'urgence, comme des faire-valoir justifiant les heures d'ennui. Même précipitation dans l'écriture des dialogues, souvent creux (on pourra noter la récurrence du mot «révolu», on a tous des tics de langage), des dialogues qui ne font que nous éloigner davantage des person­nages pour qui on ne ressent aucune empathie. Et là, problème évident : quand le destin des personnages, même au bout de sept épisodes, ne vous importe pas, difficile de croire que cela changera.


"Mais qu'elle est négative !", vous dites-vous (avec raison), "ces gens-là retroussent les narines au simple mot "adaptation" !"

Alors, bon, soulignons les points positifs ! Il est justice d'évoquer le duo fraternel formé par Elrond et Durin. Evidemment, comme je n'avais jamais imaginé Elrond avec le visage de Bénabar avec brushing, le jeune Robert Aramayo faisait pour moi pâle figure face au charis­matique Hugo Weaving (sur ce point je serai excessivement intraitable, Elrond étant mon premier véritable amour littéraire, et Hugo Weaving la confirmation de mon heureux choix).

Mais malgré cela, après huit épisodes, le jeune Elrond endosse convenablement son rôle, aidé en cela par sa relation tou­chante avec Durin IV. Avec le recul, il semble que les passages à Khazad-Dum aient égayé le reste, m'évitant l'assoupissement qui menaçait régulièrement.

Quant à Galadriel, j'étais d'emblée en désaccord avec les premiers commentaires, l'actrice me semblant correspondre à une certaine idée du personnage, sans vulgarité et doté d'un regard parfois intimidant. Aujourd'hui, avec le bagage de la saison dans son ensemble, il faut encore espérer que l'Elfe fière ne se transformera pas trop facilement en caricature d'elle-même, ou elle passerait rapidement pour une idiote têtue, irréfléchie et belliqueuse.


Vous voyez, je sais reconnaître les qualités d'une série.

C'est vraiment facile de critiquer, quand on veut juste du spectacle !

Desserrons un peu les dents, que diable, baissons le son s'il le faut, pour apprécier les images, car après tout, avec tout cet argent, une chose au moins est certaine, c'est qu'on en prendra plein la vue !


La première impression rappelle l'introduction de la Communau­té de l'Anneau de Jackson, une voix off qu'on entendrait presque murmurer en langue elfique, des cartes qui défilent, de l'histoire lointaine... L' invitation au voyage est faite, le Valinor se dévoile, puis les Deux Arbres, et bien plus tard la belle Númenor... oui, il y a de belles images, et certaines m'ont fait plaisir (je pense forcément au rêve du Miriel, ceux qui savent savent). Mais vu le montant du chèque, difficile de ne pas l'exiger, l'argent n'ayant apparemment pas servi à recruter sérieusement les meilleurs scénaristes...


On ne profite pourtant pas assez de ces lieux magiques, et bien trop de certains effets dont on aurait pu se passer : des Wargs monstrueux (ne faites plus d'expériences sur les chihuahuas !), des accélérations mal dosées sur les combats et les courses de chevaux, donnant des allures nanardesques aux scènes en terres du Sud... et j'en passe (les vagues de la Reine des Neiges 2 me semblent aujourd'hui si réalistes en comparaison de celles de l'épisode 6 !).

On ajoutera à tout ça des successions absurdes de jours et de nuits dans une même scène, comme l'ultime signature du je-m'en-foutisme régnant sur certains épisodes de façon trop flagrante.

Pour conclure : c'est facile de critiquer.

Qu'on soit clairs, pas de procès d'intention : sans être réjouie de l'achat des droits par Amazon, je n'ai à aucun moment refusé en bloc l'idée de cette série, ni l'idée d'y trouver mon compte de divertissement dans un univers qui m'est cher. Je crois même que j'avais un petit espoir.


Mais avec toute la bonne volonté possible, je ne trouve aujourd'hui dans les Anneaux de Pouvoir qu'un caprice de riche, un joujou pour plaisir personnel, et la preuve que l'argent ne fait pas tout.

Les personnages inventés pour l'occasion sont désespérément fades, caricatu­raux ou creux, les dialogues ne leur donnant pas davantage de substance. L'objet télévisuel en lui-même ne m'aura pas divertie malgré mon envie de lui donner sa chance, et je me suis répétée à chaque épisode une phrase qui persiste à la fin : quel gâchis.


Chose terrible, les premiers mots de la série , donnés par Galadriel, sont les suivants :

" Au commencement rien n'est mauvais."


Il faut croire qu'ils se trompaient déjà.

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3 Comments


Onethrîn
Onethrîn
Nov 07, 2022

Voilà qui résume fort bien mon avis sur la série ! Tu m'as évité les potentielles longues stories que j'envisageais de faire pour mes abonnés sur Instagram :) Allez, on se prépare pour la saison 2, histoire de voir s'ils redresseront le tir ou histoire de simplement voir ce qu'ils vont faire...

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Onethrîn
Onethrîn
Nov 10, 2022
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Je vais devoir sortir mon carnet Galadriel, mon crayon gris Galadriel et ma gomme Galadriel de ma trousse Galadriel. Heureusement j’aurais des kit-kat Galadriel pour m’apaiser à chaque anerie 😂

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