Guide d'une autre Bretagne : chapitre 2

La Vieille Forêt

Les forêts, dans toutes nos légendes, nous ont appris la méfiance, camouflant les esprits des bois et emmêlant des tresses de branches au-dessus de nos têtes pour nous priver de ciel. Le silence peut y être aussi troublant que le vent dans les feuilles ou le cri d’un animal inconnu ; mais le chemin le plus court s’efforce toujours de la traverser, loin des secours comme des dangers des routes mal famées.

En nous éloignant du fort du Questel, nous avons bien sûr rencontré de ces arbres torves qui semblent menacer le visiteur, la ramure retombant sur le sol comme un filet de braconnier. La terre et l’eau qui les entourent leur appartiennent, et les pas les plus discrets sont une offense à leur sommeil. L’un d’eux paraissait ne faire qu’un avec la terre, hissant seulement ses branches au dehors et gardant son corps à l’abri, comme un vieil Homme-Saule prêt à l’assaut.

Mais toutes les forêts ont plusieurs visages : malgré l’inquiétude moite des mousses marécageuses, malgré les ombres dansantes et les ramilles qui s’accrochent en nous griffant, la route mène toujours à un ruisseau plus calme qu’il suffit de suivre ou à une clairière percée par la lumière du jour.

Nous sommes sortis de Brest après avoir apprécié ces compagnons de bois, au Questel comme à Kéroual, sans oublier que si la vieille forêt dissimule le mauvais saule, elle est avant tout la demeure de Bombadil, l’esprit immuable, et de Baie d’Or, la fille de la Rivière.